Les retailers aujourd’hui orientent leur business model vers un paradis du service et de la personnalisation. Ils cherchent à obtenir un avantage concurrentiel auprès de clients désormais moins fidèles. Aujourd’hui, les clients peuvent commander un produit en ligne et le recevoir chez eux en moins de 30 minutes. Ce tourbillon de livraisons génère des tonnes de déchets de plastique et de carton. Selon la Banque mondiale, le secteur de l’habillement est responsable de 10 % des émissions de carbone de l’humanité. La « Fast fashion » a augmenté la « consommation » de vêtements en rendant la mode accessible au plus grand nombre et en augmentant la demande de nouveaux vêtements jusqu’à un niveau absolument non durable. Il faut environ 7 500 litres d’eau pour produire un seul jean ce qui équivaut à l’eau potable d’une personne pendant 7 ans. Si l’on considère le nombre de jeans présents dans nos garde-robes, ces chiffres sont impressionnants.
Est-il possible de concilier durabilité et environnement concurrentiel orienté vers le client ? Est-il possible de les rendre compatibles ? Comment aligner et combiner ces deux objectifs ?
Le secteur du retail a donné l’exemple avec de véritables engagements en faveur de la durabilité. Nombreuses sont les grandes entreprises qui ont consacré beaucoup de temps, d’efforts et de talents à la promotion, à la gestion et à la communication de la durabilité. Le défi consiste maintenant à intensifier ces efforts et à les intégrer systématiquement à tous les processus du retail sans compromettre le succès de l’entreprise. De multiples études ont montré qu’il n’existe aucun impact négatif sur la création de valeur pour les entreprises qui répondent aux préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance. Les actions qui favorisent la durabilité sont au contraire payantes et il existe une corrélation positive entre ces actions et les performances financières.
L’opinion publique est quant à elle de plus en plus consciente du problème et exige des mesures concrètes. Selon une récente enquête d’opinion réalisée par Eurobarometer, la plupart des consommateurs européens souhaitent que la durabilité et l’environnement soient priorisés et que les acteurs des différents secteurs d’activité agissent en conséquence. Le rapport de juin 2021 de PwC Global Consumer Insights Pulse Survey révèle que 59 % des consommateurs se disent plus « orientés sur l’écologie » aujourd’hui que par le passé. Selon les tendances d’achat rapportées par Forrester les consommateurs évaluent de plus en plus les produits et les marques en fonction de l'éthique et des valeurs de l'entreprise. Cette attitude concerne aussi bien les clients du retail que les employés, les fournisseurs et les partenaires de ce secteur. Il existe une préoccupation commune et un appel à l’action commun pour la durabilité.
Les modèles de retail durables vont apporter des changements pertinents, profonds et transformateurs et considérablement réduire les émissions nocives. Ces modèles durables sont multiples. Il peut s’agir notamment de l’utilisation de nouveaux matériaux et de nouveaux procédés de fabrication, d’un mix énergétique différent et plus durable, d’alternatives aux emballages existants avec des matériaux recyclés et plus légers, d’une production réduisant les déchets, de nouveaux modèles de services sur les points de vente passant à des produits sans emballage ou à des « emballages réutilisables », d’une augmentation des modèles commerciaux circulaires qui encouragent la location, la revente, la réparation, la remise à neuf et le recyclage, de modèles de livraison passant de milliers de camionnettes à des types de transport plus durables. Il existe déjà des exemples dans le monde de toutes ces initiatives, mais aucune n’est suffisamment répandue pour vraiment faire la différence.
Pour certains, l’ampleur du changement semble effrayante, au point d’empêcher le changement. Les organisations doivent commencer modestement, communiquer correctement (en externe et en interne), mesurer de manière transparente et accroître le degré de changement selon un plan convenu. Des actions concrètes peuvent être effectuées dès MAINTENANT :
- Énoncer clairement et honnêtement l’intention stratégique, en la partageant en interne et en externe et en évitant le « greenwashing ».
- Définir un plan de durabilité complet, avec un budget alloué et une évaluation de l’impact sur le développement durable (EID).
- Inclure dans chaque projet de l’entreprise des indicateurs de durabilité afin de sensibiliser davantage, de faire progresser les idées et de renforcer l’impact.
- Créer un écosystème approprié regroupant employés, clients et partenaires pour identifier des idées et développer et tester des initiatives. La créativité doit être l’une de vos armes les plus puissantes.
- Proposer aux clients différentes alternatives avec des indications claires quant à leur impact sur la durabilité - de la sélection du produit aux options de livraison.
- Mettre en place des mesures pour réduire les retours en ligne (plus d’informations sur les produits, avis des clients, programmes de conseil en ligne pour les employés, dimensions précises).
- Mettre en œuvre une plateforme de données robuste qui servira de base à la transmission des données tout au long de la chaîne de valeur. Cette plateforme permettra de contrôler la qualité et l’exactitude des informations et de les mettre à disposition par le biais de différents canaux et partenaires.
La plateforme de données a un rôle particulier à jouer. Elle doit soutenir les retailers en assurant ce qui suit :
- Favoriser la transparence et sensibiliser davantage les consommateurs grâce à la communication de l’empreinte carbone de chaque produit et l’amélioration de l’étiquetage sur les différents canaux de vente et d’interaction. En tant que consommateur, prendre conscience de notre impact individuel est la première étape sur la voie des décisions fondées sur les données et orientées vers des options plus durables. En tant qu’entreprise, le partage des informations crée une base appropriée permettant à chaque décideur de choisir l’option la plus durable possible.
- Améliorer les négociations avec les fournisseurs en laissant de côté le prix pour mettre l’accent sur le coût total de possession et sur la valeur. Réduire les productions pour diminuer les déchets, limiter la marchandise à vendre et à promouvoir, rationaliser la gamme de produits en vue d’augmenter la valeur de l’ensemble de la chaîne.
- Favoriser la collaboration entre les membres de la chaîne de valeur grâce à des modèles de consommation transparents et évolutifs.
- Enrichir les informations client et les critères de segmentation en incluant leur intérêt pour la durabilité, leurs préférences en matière de produits, d’options de livraison, de programmes de seconde main.
- Partager des données de localisation avec des références aux initiatives de réduction des émissions nocives, telles que l’utilisation de matériaux recyclés ou certifiés écologiques dans les magasins, l’éclairage LED, les mannequins biodégradables, l’utilisation de panneaux solaires.
Nous devrions constater une forte augmentation des mesures de durabilité dans les années à venir. L’intérêt du public augmente, les retailers et les partenaires unissent leurs forces, les gouvernements lancent des programmes de soutien aux investissements. Pour les retailers, dans le cadre de cette évolution, la transparence des données sur l’ensemble de la chaîne de valeur sera un élément déterminant de toutes les initiatives de durabilité.